Courant d’air
2025
Ventilateurs, Arduino®
Boucle de 53’23’’ d’après une partition établie sur le rythme de la parole de Raymond-Jean Schneider lors de sa conférence sur « La météorologie moderne et ses applications », le jeudi 28 octobre 1976 au Club 44.
Club 44 x Quartier Général, la Chaux-de-Fonds (CH)
Photos © Tiphaine Paquier
Un couloir entoure la salle de conférence, permet d’y entrer et d’y sortir. Des fenêtres étirent la galerie dans sa hauteur, y apportent de la lumière, l’a fait respirer. Habillées d’un voilage, les vitres disparaissent dans le décor, suivent les allées et venues. Dans le passage, les rideaux se gonflent puis se dégonflent, semblent apporter le rythme de l’air extérieur à l’intérieur.
L’intervention repose sur le mouvement anodin des tissus. Par les fenêtres du couloir, l’audience découvre un dispositif discret mais précis : derrière chaque rideau, un ventilateur s’anime au rythme d’une voix – dorénavant inaudible – issue d’une archive sonore provenant d’une conférence* du Club44, consacrée à la météorologie. À chaque prise de parole, les ventilateurs synchronisés se mettent à tourner, soulèvent les tissus en une chorégraphie aérienne ; à chaque pause, le silence mécanique revient, les ventilateurs s’arrêtent. La parole devient une partition, le souffle un geste spatial. Les mots ne sont plus audibles mais manifestent. Le déplacement d’air soulève les rideaux dans un mouvement qui évoque à la fois la matérialité du souffle et la légèreté d’un instant.
L’installation propose une réflexion sur l’acte de parler, conçu comme un double mouvement d’ouverture : ouvrir son corps à l’air, ouvrir son esprit à autrui. À l’image de l’aération d’une pièce, la parole est présentée comme un processus de circulation, d’échange, entre l’intérieur et l’extérieur, entre les individus et leur environnement.
Le vrombissement des ventilateurs souligne l’artificialité du dispositif : un souffle automatisé, généralement produit pour maintenir un monde respirable quand il ne l’est plus. En écho aux paroles dorénavant inaudibles du météorologue, l’installation révèle par l’imitation du courant d’air, un désir de maîtrise face à ce qui s’échappe, et souligne le manque inéluctable propre à l’archive.
Dans la salle des pas perdus, les paroles subsistent comme présences diffuses : parler s’est respirer, se lier au monde, habiter l’espace.
L’intervention invite à une écoute différente : elle met en tension l’éphémère et la persistance, le sensible et l’illusion.
*La météorologie moderne et ses applications, Raymond-Jean Schneider, jeudi 28 octobre 1976, Club 44
Texte d’exposition